21 août 2015 Ln Arnal 0Comment
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Si j’aime analyser la représentation de la recherche scientifique dans les films et les séries, des scientifiques s’intéressent également à la représentation de leur sujets d’étude. Les deux psychiatres de l’excellente chaine YouTube Le PsyLab illustrent souvent leur propos à l’aide d’extrait de film. Dans leur série Fovéa, ils utilise même un unique film pour présenter un concept clé de la psychiatrie. Certains vont plus loin et font des recherches scientifiques. Ainsi début 2014, un article scientifique a été publié sur la représentation de la psychopathie au cinéma et son évolution sur le siècle d’existence de cet art. La question de la représentation de la psychopathie et des maladies mentales au cinéma car elle joue un rôle important dans la perception et l’imaginaire autour de ces troubles.

Mais avant de rentrer dans le cœur du sujet, qu’est-ce que la psychopathie? Il s’agit d’un trouble de la personnalité, caractérisé par un manque de remords et un manque de « comportements humains » décrit comme étant un mode de vie criminel et instable. Il faut savoir qu’il n’existe pas un consensus autour de ce type de diagnostique en psychiatrie ou en psychologie. Le terme est parfois utilisé dans la justice pénale de certains pays et par le grand public via la presse populaire ou les représentation fictive. De ce fait le caractère psychopathique peut varié d’une époque à une autre.

Des scientifiques de l’Université Libre de Bruxelles ont visionnés un échantillonnage de 400 films, ils ont alors sélectionné un méchant par film. 274 personnages ont été ensuite supprimés car ils étaient trop caricaturaux et/ou trop fictionnel (issus de comics, de fantasy…). Ainsi les personnages invisibles, avec des pouvoirs magiques, non humains (on ne connaît pas la psychologie des extra-terrestre) ou clairement irréaliste ont été exclu de l’étude. L’étude porte alors sur les 126 personnages restant. La psychopathie est normalement diagnostiqué à la suite d’entretien semi-directif entre la personne et le psychiatre mais c’est impossible dans le cas de ces personnages. Les chercheurs ont appuyé leurs diagnostiques principalement sur le film mais aussi d’autres documents pour rendre un diagnostique le plus précis possible (en particulier sur le type de psychopathie).

© Paramount Pictures France
Anton Chigurgh est l’un des psychopathes les plus réalistes du cinéma © Paramount Pictures France

Si les personnages psychopathes sont assez divers, il y a une certaine évolution de la représentation de cette pathologie. Avant les années 1960, les méchants psychopathes sont décris comme des sadiques, imprédictibles, dépravés et instables émotionnellement. Ils peuvent commettre des actes de violence, des meurtres et des destructions au hasard. Ils présentent souvent des particularités bizarres comme un rire nerveux ou franc ou des tics du visage. Ces personnages sont très éloignés du comportement de personnes souffrant de psychopathie et crée ainsi des personnages certes célèbres mais pas réalistes. Les personnages correspondent plus à un comportement dû à psychose qu’à une psychopathie. Une seule exception notable est le personnage de Hans Beckert dans le film de Fritz Lang, M le maudit.

Un important changement dans les personnages psychopathes survient à la suite de l’arrestation d’Ed Gein en 1957 aux États-Unis.  Surnommé le boucher de Plainfield, son histoire fait sensation dans le pays. A la suite de cet événement, les psychopathes dans les film étaient cantonné à un seul genre, le film d’horreur. Les personnages alors se présentent sous deux nouvelles forme, l’inadapté social qui tue pour assouvir des pulsions sexuelles et d’extrêmement violent tueur de masse avec une apparence et un comportement singulier. Deux exemples de cette tendance est Norman Bates de Psychose et Jason de Vendredi 13. Les années 1960 et 1970 amenant une meilleure connaissance des meurtriers avec un rituel au près du public, ce type de personnages apparaissent cinéma donnant lieu à un nouveau genre le slasher.

Les années 1980 voient l’arrestation des serials killers John Wayne Gacy, Jeffrey Dahmer et Ted Bundy. Dans une recherche en parallèle d’une description plus réaliste des psychopathe et un retour de la vision des psychopathes du début du cinéma nait un psychopathe de l’élite qui devient très vite très  populaire. Un des meilleur exemple de cette tendance est le docteur Hannibal Lecter dans Le Silence des Agneaux. Ces psychopathes présente une extrême intelligence, des manières sophistiquées et de l’ambition de façon presque surhumaine.

Depuis le début des années 2000, on note encore un changement dans la description des psychopathes avec des personnages plus humains et vulnérables et présentant une vraie faiblesse. Des psychopathes non maniaque sont alors apparus. Dans cette catégorie de psychopathes réalistes, on retrouve des personnage comme Anton Chigurh de No Country for Old Men ou George Harvey dans Lovely Bones. Il existe également des psychopathes non marginaux mais ayant particulièrement réussi en particulier dans les grandes entreprises (où le manque de remords peut être un avantage dans la recherche de profit). Une bonne illustration de ce type de psychopathe est Gordon Gekko dans Wall Street.

Si la description des psychopathe a autant varier au cinéma, c’est lié à l’évolution de la définition de ce trouble dans le même temps. Le cinéma d’une époque reflète à la fois les psychopathes décrits de l’époque et ce qui est perçu comme psychopathie. Ainsi certains psychopathes de leur époque serait maintenant diagnostiqué autrement, par exemple comme souffrant de psychose.

 

L’article :

Leistedt, S. J. and Linkowski, P. (2014), Psychopathy and the Cinema: Fact or Fiction?. Journal of Forensic Sciences, 59: 167–174. doi: 10.1111/1556-4029.12359

Le diagnostique des 126 personnages psychopathes de l’étude (en anglais)

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