14 septembre 2018 Ln Arnal 1Comment
Temps de lecture estimé : 6 minutes

Cet article est basé sur un article déjà publié mais il est enrichie et retravaillé pour mieux correspondre aux articles actuellement mis en ligne.

Sacré Graal est la reprise par les Monty Python des légendes du roi Arthur et des Chevaliers de la Table Ronde. Dans ce film burlesque, une des blagues récurrentes porte sur les noix de coco et leur hypothétique transport par des hirondelles. Toute la question réside dans le fait de savoir s’il s’agit d’hirondelles d’Europe ou d’Afrique. Cela montre une des contraintes des plantes : le déplacement. En effet, les plantes ne peuvent pas se déplacer n’ayant pas de membres locomoteurs. Mais cela n’empêche pas les plantes de se déplacer que ce soit par des éléments végétatifs, le pollen ou via les graines. Dans cet article nous nous intéresserons uniquement aux graines.

Les différents mécanismes de dispersion des graines

Il existe différents mécanismes de dispersion de graines et autant d’adaptation morphologique. Par exemple, les fruits que nous mangeons (pommes, cerises…) sont entourées de chair pour que les graines soient ingérées et ainsi déplacé par des animaux. Mais toutes les graines déplacées par les animaux ne sont pas ingérées. Certaines s’accrochent au pelage comme le fruit de bardane comme le velcro. D’autres sont emportée par le vent comme le pissenlit qui a un « parachute » ou la graine d’érable qui a deux petites ailes. D’autres encore sont transportée par l’eau. C’est le cas des noix de coco qui flottent grâce à l’air qu’elles contiennent. Elles peuvent ainsi traverser l’océan en survivant de long mois. Un mode de dispersion étonnant est celui des fruits explosifs pour propulser la graine le plus loin possible comme les cornichons d’ânes.

Il n’est pas rare qu’une même espèce puisse être dispersée par différentes méthodes pour lesquelles la plante s’est plus ou moins adapter. Ainsi si un rongeur ayant mangé une graine se retrouve emporter par un rapace, la graine sera emmener bien plus loin que si elle avait été seulement mangé par le rongeur. Dans d’autres cas, la même plante aura deux types de graines différentes chacune adaptée à un type de dispersion. Chez Hypochoeris glabra, les graines extérieures de la fleur sont pourvue de crochet pour être transporter via les pelages d’animaux tandis que celles au centre ont un parachute plus important pour être emporter par le vent.

Les principaux moyens de dispersion des fruits et des graines (Howe & Smallwood, 1982)

Enfin l’humain peut disperser des graines de façon volontaire ou involontaire. La façon volontaire est liée à la plantation de plantes (agriculture, ornementation…). Les dispersions involontaires sont liées au déplacement via l’équipement agricole ou via le commerce international. On retrouve ainsi des plantes ayant été transportées le long des voies ferrer ou des routes ou dans les zones de délestage du ballaste des bateau. Ces transports longues distances, qu’ils soient volontaires ou non, ont pour conséquences d’apporter des espèces qui peuvent devenir envahissantes. Ainsi l’armoise commune provient du Moyen-Orient et à coloniser l’Amérique du Nord via l’Europe et les ballasts de bateau. On estime que parmi les plantes ornementales, 27% s’échappent et, parmi celles-ci, 30% s’établissent durablement. Les conséquences sont, entre autres, l’homogénéisation des écosystèmes ainsi que la perte de biodiversité.

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L’efficacité de ces mécanismes

La distance parcourus par la graine dépend du mode de dispersion mais aussi de facteurs environnementaux. Ainsi par exemple, les noix de cocos peuvent parcourir des milliers de kilomètre alors que celle de Leucadendron rubrum ne parcoure en moyenne que 24 mètres. De façon générale, les graines dispersées par les fourmis ou le vent vont moins loin que celles dispersées par les animaux. La distance parcourue peut variée selon que la position de la graine sur la plante. Par exemple les graines du bas d’un peuplier peuvent parcourir jusqu’à une centaine de mètre tandis que celle du dessus peuvent parcourir 10 kilomètres. De même des graines mangées peuvent être dispersée à des distances variables selon le moment de la journée de leur ingestion. Par exemple, les étourneaux en Australie mangent des olives, si c’est durant la journée, le noyau parcourt moins de 100m. Par contre au crépuscule, les oiseaux retournent au dortoir emmenant avec eux des noyaux sur des kilomètres. Mais de façon générale, plus la distance est grande est moins une graine a de chance de la parcourir.

On pourrait penser que c’est paradoxal de vouloir disperser ses graines. En effet si une plante fait des graines, c’est qu’elle est dans un milieu favorable. Et rien ne garantit que ses graines arrivent dans un milieu favorable et pourront pousser. Or les plantes dépensent beaucoup d’énergie pour que leurs graines puissent se disperser en créant des graines morphologiquement adaptées. D’ailleurs les plantes endémiques d’îles perdent ces caractéristiques car une trop forte dispersion est liée à une mort certaine de leurs graines. Cette dépense d’énergie est contrebalancée par l’avantage de la dispersion : échapper à la mortalité liée à une trop forte densité. Si aucune graine ne se dispersait, tous les descendants d’une même plante seraient au même endroit et seraient en compétition les uns avec les autres pour les ressources.

Schéma représentant la dispersion entre différents lieu des graines par Riolland Thomas [CC BY-SA 4.0], de Wikimedia Commons

La dépense d’énergie est également équilibrée par le fait d’arriver dans un milieu favorable grâce à la dispersion dirigée. Cela est particulièrement vrai quand les graines sont dispersées par les animaux. Leur adaptation peut permettre de favoriser ou récompenser un type de vecteur. Par exemple en proposant un fruit avec une chair nutritive. Par exemple les corbeaux mangent des graines de pins. Ils enterrent de 1 à 4 graines dans des sols ombragés. Si l’oiseau ne revient pas manger les graines pendant l’hiver (oubli ou mort), alors les graines sont déjà dans un milieu favorable pour pousser. Cet avantage est suffisant pour compenser la perte de nombreuses graines qui sont mangées par les oiseaux.

Enfin la dispersion permet aux plantes de coloniser de nouveaux habitats et de fuir ceux devenant hostiles. Ainsi les plantes vivant dans des milieux éphémères dispersent plus que les autres. Au contraire, arriver dans un nouvel environnement permet d’avoir un accès facilité aux ressources et de limiter la compétition. Pour revenir au cas d’Hypochaeris glabra, la proportion de graines à crochet augmente lors que la plante est dans une zone avec une forte densité de ses congénères et permettant de cette façon d’augmenter le nombre de graines dispersées dans d’autres endroits.

Le cas des noix coco et des oiseaux migrateurs

Après cette discussion sur le déplacement des graines, est-il physiquement possible qu’un oiseau migrateur apporte avec lui une noix de coco en Grande-Bretagne ? Comme pour l’article sur la livraison de balais par hiboux, des élèves de l’Université de Leicester se sont sérieusement posé la question. Leur conclusion est que le seul oiseau migrateur présent à la fois en Grande-Bretagne et sous les tropiques qui semblerait assez gros par rapport à une noix de coco est la cigogne blanche. Or avec une masse de 4,4 kg, il lui faudrait une surface de 36 m² ce qui semble un peu probable dans la réalité. Il est donc très peu probable qu’un oiseau migrateur apporterait une noix de coco. Dans les tropiques, il y a bien le grand albatros qui pourrait potentiellement porter une noix de coco mais il ne viendrait pas en Grande-Bretagne.

 

Enfin de façon surprennante et remettant à mal notre vision du Moyen-Âge, il semblerait que les noix de coco n’était pas si rare que ça en Europe depuis au moins le 13e siècle. Certaines ont même été transformé en calisse.

 

Pas tout compris ? Tu as des remarques ? Une erreur s’est glissée dans le texte ? N’hésite pas à laisser un commentaire, j’y répondrais avec plaisir.

Bibliographie :

Arnal H. (2007) Le Flux de graines Rapport bibliographique, Université de Bourgogne

Hopton R., Glossop T., Jinks S. (2011) A1_5 Determining the Smallest Migratory Bird Native to Britain able to carry a Coconut, Journal of Physics Special Topics Vol 9. Disponible à : https://journals.le.ac.uk/ojs1/index.php/pst/article/view/1913

Pour aller plus loin :

Kennedy, Kathleen E. (2017) « Gripping It by the Husk: The Medieval English Coconut, » The Medieval Globe: Vol. 3 : No. 1 , Article 2. Disponible à : https://scholarworks.wmich.edu/tmg/vol3/iss1/2

Sur la vitesse de vol d’une hirondelle non-chargée (de noix de coco), l’article de blog Jonathan Corum : Estimating the Airspeed Velocity of an Unladen Swallow

 

Avis et note de Sciences au Cinéma :

Les Monty Python sont connus pour leur humour absurde  et ce film ne déroge pas à la règle. De prime à bord, il semble une simple succession de sketch plus absurde les uns que les autres mais peu à peu les liens entre les scènes apparaissent. Ce lien met en lumière la maîtrise du récit au-delà de la simple collection de péripétie. L’accent est également mit aux collages et aux animations de Terry Gilliam qui se donne à cœur joie dans ce film.

Sacré Graal (Monty Python and the Holy Grail), 1975.
Réalisé par Terry Jones, Terry Gilliam
Avec Graham Chapman, Terry Gilliam, John Cleese…
Film britanique
Durée 1h30

La bande annonce en VOSTF

One thought on “Sacré Graal et le transport des noix de coco

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