6 octobre 2017 Ln Arnal 0Comment
Temps de lecture estimé : 5 minutes

Lors de mon visionnage de la saison 2 d’Agent Carter, le personnage de Whitney Frost m’a fait penser à Hedy Lamarr. Ce n’est pas étonnant puisque les scénaristes se sont effectivement inspirés de cette dernière pour leur personnage. Cela est particulièrement vrai par rapport aux flash-backs du personnage dans l’épisode 4. Elle s’intéresse aux sciences et aux techniques dès l’enfance mais elle est systématiquement ramener à son genre et prié d’utiliser sa beauté pour s’en sortir. Tout le long de la saison, elle est réduite à une jolie femme alors qu’elle est le cerveau derrière les évènements étranges de la saison. Mais qui était Hedy Lamarr ?

Lorsque j’ai fait la connaissance d’Hedy Lamarr il y a environ vingt ans, elle était si époustouflante que toutes les conversations s’interrompaient dès qu’elle entrait dans une pièce. Où qu’elle allât elle devenait le point de mire de tous les regards. Je doute qu’il y ait eu un seul individu pour s’inquiéter de s’il y avait quelque chose derrière cette beauté. Tout le monde était trop occupé à la fixer bouche bée.
— George Sanders, Mémoires d’une fripouille, 1960 (réédition PUF, p. 155)

Hedwig Eva Maria Kiesler naît le 9 novembre 1914, à moins que ce soit 1915 ou 1913, à Vienne. Ses parents viennent de la communauté juive de l’empire Austro-hongrois bien qu’ils se soient convertis au catholicisme. Sa mère est pianiste et son père banquier. Si sa mère lui donne une éducation classique pour une petite fille de l’époque, au contraire son père lui explique le fonctionnement des machines.
En 1930, à 16 ans, elle décide d’arrêter l’école et de partir pour Berlin pour devenir actrice. Elle tourne dans différents films mais elle crée le scandale en 1933 à apparaissant nue et à simuler un orgasme dans Ekstase. D’ailleurs ce film est le premier film conventionnel à montrer une relation sexuelle (enfin juste les visages des personnages) et un orgasme féminin (toujours qu’au niveau du visage). La jeune Hedwig gagne une réputation sulfureuse quelle gardera toute sa vie. Sa carrière cinématographique lui attire de nombreux admirateurs qui lui font la cour. Elle les rejette tous sauf un. Elle épouse Fritz Mandl le 10 aout 1933, le plus gros vendeur d’arme d’Autriche. Elle devient une femme trophée et assiste à de nombreuses conversations sur les nouvelles armes. Si on n’attend pas d’elle qu’elle y participe, elle écoute avidement et retient le maximum d’informations. Elle décide de quitter son mari en 1937 et elle part pour Paris puis Londres.

A gauche Whitney Frost (jouée par Wynn Everett – © ABC/Kelsey McNeal) à droite Hedy Lamarr en 1940 (image promotionnelle de la MGM)

N’ayant que ses bijoux comme économies, elle approche Mayer, le directeur MGM pour obtenir un nouveau contrat d’actrice. On ne sait pas très bien comment mais elle arrive aux USA avec un contrat de 7 ans. Sous les recommandations de Mayer, elle change de nom et devient Hedy Lamarr en référence à l’actrice du cinéma muet Barbara La Marr. Elle fait alors ses débuts hollywoodiens dans Casbah (1938). Elle tourne une petite trentaine de films jusqu’en 1958. En particuliers elle est Dalida dans Samson et Dalida de 1949. Elle garde un côté sulfureux en se remariant et divorçant nouvelles fois. Elle a également de nombreuses conquêtes. Après la fin de sa carrière, elle est peu à peu oubliée.
Elle a du mal à s’intégrer au petit monde d’Hollywood dont les discussions ne sont pas assez profondes pour elle. Elle préfère des dîners en petits comités pour pouvoir discuter. Elle s’installe un atelier où elle invente divers objets. Parmi ses inventions, il y a une tablette pour mettre du gaz carbonique dans une boisson, un feu de circulation, un collier phosphorescent. Si elle a de bonne idée, la réalisation est rarement à la hauteur. Selon elle, son amant Howard Hughes lui aurait même proposé de travailler avec son équipe d’ingénieur pour mettre en œuvre ses idées.

La seconde guerre mondiale éclate et une partie du conflit se passe en mer. Hedy Lamarr est particulièrement touchée par le torpillage de bateaux transportant des civils par des U-boats allemand. Choquée et révoltée, elle choisit de faire son possible pour aider les USA dans cette guerre. Elle commence par s’intéresser aux torpilles. A l’époque, elles sont radioguidées mais une simple interférence sur la fréquence utilisée pour les contrôlé permet de les dérouter limitant ainsi leur efficacité. Elle décide de trouver une solution à ce problème. Elle réutilise alors ce qu’elle avait appris lors de son premier mariage. Elle demande aussi de l’aide à George Antheil, un compositeur ami. Ce dernier a composé et (plus ou moins) joué une œuvre avec 16 pianos mécaniques. Il s’est donc déjà frotter à la complexité de synchroniser des automates.
Elle trouve une idée de base simple : au lieu d’avoir une seule fréquence entre le système de guidage et la torpille, les deux changent de fréquence très fréquemment à travers une large bande de fréquences. Pour éviter les interférences ennemies, ces changements sont pseudo-aléatoires et connus de l’émetteur et du récepteur. C’est le principe de l’étalement de spectre par saut de fréquence. Reste à montrer que c’est possible. Les deux amis travaillent ensemble pour faire un prototype. Le 10 juin 1941, ils déposent un brevet pour leur invention. Dans le but que l’armée puisse l’utiliser de suite, il est libre de droit pour l’armée américaine. Mais l’armée ne s’intéresse pas à son invention, les torpilles semblant dépassées après Pearl Harbour. Hedy Lamarr soutient alors l’effort de guerre en utilisant sa renommée pour récolter des bonds de guerre.

Image issue du brevet de Hedy Lamarr et George Antheil

Il faut attendre 1962 et la crise des missiles à Cuba pour que l’armée se réintéresse à l’idée de Lamarr. Si l’idée de base reste, l’armée modernise la réalisation (dans le brevet les changements de fréquences sont codés par du papier perforé) et l’utilise pour ses radars. En 1976, l’idée arrive dans le civil. Maintenant l’étalement de spectre par saut de fréquence est fréquemment utilisé. Vous l’utilisé probablement pendant que vous lisez cet article. Il est en effet utiliser pour le Wi-Fi, le GPS, le Bluetooth… Durant longtemps, le nom de Lamarr n’est pas associé à cette technologie. Il faut attendre 1997 où elle reçoit l’Electronic Frontier Fondation’s Pioneer Award. Sa réaction ? Elle dira « il était temps ». Elle mourra le 19 janvier 2000 et dans sa nécrologie, on parlera une fois de plus de sa beauté et très peu de son idée géniale.

Pas tout compris ? Tu as des remarques ? Une erreur s’est glissée dans le texte ? N’hésite pas à laisser un commentaire, j’y répondrais avec plaisir.

Pour aller plus loin :



Hedy Lamarr, actrice, inventrice dans Les Culottées tome 2 par Pénélope Bagieu, lisible sur le site du Monde
Hedy Lamarr dans Headstrong 52 Women Who Changed Science – and the World par Rachel Swaby

Avis et note de Sciences au Cinéma :
La première saison d’Agent Carter a su trouvé un public fidèle du côté de celleux qui voulait une série avec un personnage féminin fort. Elle limite le côté comics pour laisser de la place au féminisme du personnage central. Renouvelée pour une seconde saison, celle-ci quitte New-York (et certains personnages secondaires très aimés) de la première saison pour Los Angeles et une intrigue nettement plus comics et qui encre la série dans le univers Marvel. Mais comme les fans de la série sont moins intéressés par cet univers et son côté fantastique. Plus longue aussi, certains rebondissements alourdissent la saison. De fait la série perd ces spéctateurs, cette saison fait un flop et la série est annulée. Néanmoins la série continue à casser les clichés et à mettre en avant des personnages loin des stéréotypes habituels de masculinité et de féminité. Et cette série reste à découvrir et offre une œuvre unique dans le genre comics.

Agent Carter (Marvel’s Agent Carter), 2015 (terminée)
Créée par Stephen McFeely, Christopher Markus (2015)
Avec Hayley Atwell, James d’Arcy, Chad Michael Murray …
Nationalité Américaine (ABC)
Format 42 minutes

La bande annonce de la saison 2 en VO :

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