12 septembre 2014 Ln Arnal 1Comment
Temps de lecture estimé : 3 minutes

Mercredi soir, Arte a diffusé La Vague, film allemand de Dennis Gansel. Ce film relate l’expérience menée par un professeur d’histoire sur la montée du nazisme. Ce film est inspiré d’une expérience similaire qui a réellement eu lieu dans un lycée californien de Palo Alto. Le professeur, Ron Jones, propose à ses élèves une expérience pour mieux comprendre l’absence de réaction du peuple allemand face aux atrocités commises par les nazis. En une semaine, ses élèves deviendront endoctrinés et l’expérience sera brutalement arrêtée pour éviter les dérives qui apparaissent.

Ce film est intéressant car il pose la question de l’expérimentation scientifique en Histoire et plus précisément en archéologie. Ces deux domaines de recherche se complètent. L’Histoire repose sur l’étude des textes et autres documents pour donner un récit des évènements passés. Elle rentre totalement dans le champ des sciences sociales car elle sait qu’elle interprète des sources subjectives. Au contraire, l’archéologie recherche une plus grande objectivité en décrivant les vestiges du passés (ruines mais également bâtiments toujours en état, outils, ossements…). Elle fait appel à des techniques et des connaissances provenant des sciences de la Terre et de la Vie (datations, botanique…). A partir des observations faites sur le terrain, les archéologues émettent des hypothèses expliquant les vestiges.

Contrairement à ce que l’on peut penser, l’archéologie s’intéresse de la préhistoire au XXe siècle. Ainsi certains archéologues travaillent sur les guerres mondiales. Ce type de travaux permet de valider des méthodes de travail car on possède plus de connaissance sur ces époques. Si les hypothèses des archéologues sont confirmées par les historiens alors la méthode ayant permis de les formuler doit être valable pour d’autres travaux archéologiques sur des faits moins bien connus.

Une autre façon de valider les hypothèses est archéologie expérimentale. Cette discipline consiste à tester, grandeur nature, les hypothèses des archéologues sur les techniques utilisées et les usages du passé. Un excellent exemple d’archéologie expérimentale est le château de Guédelon dans l’Yonne (89). Ce château est construit, en ce moment même, selon les méthodes du XIIIe siècle. Par exemple, les bâtisseurs ont dû retrouver la recette exacte (et non consignée jusqu’à présent) du ciment de l’époque ou la façon de construire une voûte romane… La méthode repose sur l’étude de références (d’autres châteaux), de sources iconographiques et textuelles de l’époque et de travaux de recherche actuels (thèses, colloques…) et enfin sur l’expérimentation. Ce chantier est supervisé par une équipe scientifique qui valide les techniques employées.

Il existe une autre forme d’expérimentation, un peu moins académique. Il s’agit des troupes d’Histoire vivante. Ces troupes, selon leurs objectifs, reconstruisent de façon plus ou moins exacte des périodes historiques et font revivre des épisodes de l’histoire (batailles mais aussi vie quotidienne). Ces troupes amatrices font un important travail de vulgarisation des connaissances tant historiques qu’archéologiques. Ces reconstitutions permettent également, quand elles s’inscrivent dans le champ scientifique, de mieux comprendre le quotidien des personnes aux diverses époques expérimentées (essentiellement l’Antiquité, le Moyen-Âge, le Premier Empire et la Seconde Guerre Mondiale). Cela permet également de retrouver des gestes oubliés comme dans le cas des arts martiaux européens. Ce type de gestes demande un long temps d’expérimentations pour retrouver leurs efficacités et les optimisés, temps que n’ont pas forcément les chercheurs dans le cadre professionnel.

Pour en revenir au film et à l’expérience de Ron Jones, il ne s’agit pas ici d’une expérience scientifique pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle n’a pas été construite au préalable et relève plus de l’improvisation. Ensuite, elle ne se déroule pas dans un cadre défini avec une limite dans le temps et un contrôle de ses dérives. Elle n’a pas non plus été soigneusement observée (aucun compte-rendu n’a été fait pendant l’expérience, seulement a posteriori). Enfin, elle repose sur des hypothèses non clairement définies. Tout cela limite donc sa portée scientifique. Néanmoins, elle garde une portée importante plutôt sur les plans philosophiques et métaphysiques sur le comportement humain. Elle fait échos à la banalité du mal théorisée par Hannah Arendt dont la soumission à l’autorité testée par Milgram.

C’est d’ailleurs pour cela que je n’ai que modérément apprécié la fin du film, trop spectaculaire par rapport aux faits réels et n’apportant rien à la réflexion du spectateur. Malgré tout, ce film reste à voir car l’expérience est très impressionnante.

Pour aller plus loin :
Un article du monde et une émission de la Tête au carré sur l’archéologie sur la première guerre mondiale
Association Européenne d’Archéologie Expérimentale (site en anglais et en allemand)

Note perso

[display_rating_form]
La note des lecteurs :
[display_rating_result]

La vague (Die Welle), 2008
Réalisé par Dennis Gansel
Avec Jürgen Vogel, Frederick Lau, Max Riemelt …
Nationalité Allemande
Durée 1h48

La bande annonce en VF :

La fiche Allociné de La Vague

One thought on “La vague : expérimenter l’Histoire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Si vous déposez un commentaire sur notre site, il vous sera proposé d’enregistrer votre nom, adresse de messagerie et site web dans des cookies. C’est uniquement pour votre confort afin de ne pas avoir à saisir ces informations si vous déposez un autre commentaire plus tard. Ces cookies expirent au bout d’un an.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.