16 septembre 2022 The Conservation 0Comment
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Le roi Viserys I Targaryen, dans House of the Dragon. HBO

Kristie Patricia Flannery, Australian Catholic University et Sarah Bendall, Australian Catholic University

House of the Dragon, le prequel de Game of Thrones, relate la chute de la dynastie des Targaryen quelque deux siècles avant que la vie sur le continent de Westeros ne soit bouleversée par la guerre et par une mini-période glaciaire.

Le premier épisode suggère que l’instabilité politique et le déclin dynastique commencent généralement par l’irruption de maladies et de crises sanitaires.

Le roi Targaryen Viserys Ier souffre d’une large et douloureuse plaie ouverte et infectée dans le dos. Il considère qu’il s’agit d’une blessure mineure – subie en s’asseyant sur le fameux trône de fer forgé avec les épées des vaincus au fil des règnes.

Sa femme, la reine Aemma Arryn, enceinte, qui a déjà subi de multiples fausses couches et perdu plusieurs enfants, s’inquiète de la santé de leur futur bébé. L’accouchement montré dans cet épisode est extrêmement difficile et traumatisant.

Les maladies et afflictions physiques et mentales qui ont frappé les maisons régnantes de Westeros – complications de grossesse, maladies mentales et troubles génétiques – ont aussi touché les véritables familles royales d’Europe au cours de la période médiévale et du début de la période moderne.

Et tout comme dans House of the Dragon, ces afflictions ont façonné de véritables luttes dynastiques.

Les troubles génétiques

Comme les Targaryen fictifs, les vrais rois européens se mariaient fréquemment avec des parents proches, contribuant à créer des troubles génétiques dans leurs familles.

Le dernier roi Habsbourg d’Espagne, Charles II, est un exemple d’enfant issu d’un inceste royal. Il souffrait de multiples problèmes de santé avant sa mort à 38 ans, notamment d’un cas extrême de ce qu’on appelle la mâchoire de Habsbourg ou mandibule malformée, qui rendait très difficile la parole et la mastication des aliments. Ses parents étaient un oncle et une nièce. Les généticiens ont fait valoir que la consanguinité, ou le fait que les parents descendent des mêmes ancêtres, était à l’origine de ce problème de santé.

Le roi Charles II d’Espagne par John Closterman. Wikimedia, CC BY

La reine Victoria d’Angleterre, de son côté, a transmis par le biais des mariages de ses enfants le gène à l’origine de l’hémophilie (une maladie récessive du sang) aux familles royales de Russie, d’Espagne et d’Allemagne.

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L’arrière-petit-fils de Victoria, Alexei Nikolaevich, Tsarevich de Russie, a hérité de cette maladie. Le mystique Raspoutine, qui avait été amené au palais pour soigner le tsar de Russie, en vint à se mêler des affaires du gouvernement, ce qui provoqua une montée des tensions au sein de l’aristocratie et une méfiance du public à l’égard de la famille royale. De cette manière indirecte, la « maladie des rois », comme on appelle l’hémophilie, a contribué à déclencher la révolution qui a mis fin à la monarchie des Romanov.

Grossesse et fertilité

Le but premier du mariage royal, tant dans l’Europe moderne qu’à Westeros, était de réunir des familles puissantes et de produire des héritiers qui perpétueraient la dynastie.

Les créateurs de House of the Dragon ont été critiqués pour la scène d’accouchement très violente dans le premier épisode, mais ils ont eu raison de dépeindre la grossesse comme dangereuse pour les membres de la famille royale. Sept reines et princesses des Asturies (héritières du trône d’Espagne) ont eu des enfants entre 1500 et 1700, dont quatre sont morts de causes liées à la grossesse.

Si l’accouchement pouvait s’avérer fatal pour les femmes royales, l’incapacité à donner naissance à un héritier pouvait également signifier la fin d’une maison dynastique. L’histoire de l’île de Westeros, qui ressemble incroyablement aux îles britanniques, reflète également une grande partie de l’histoire de la Grande-Bretagne. Le désir d’avoir un héritier mâle peut déchirer les familles royales.

Dans l’Angleterre du XVIe siècle, le roi Henri VIII (qui souffrait d’une plaie ulcéreuse à la jambe, qui a peut-être inspiré la blessure au dos de Viserys Ier), s’est détaché de l’Église catholique de Rome et s’est marié six fois pour s’assurer des héritiers mâles qui soutiendraient la dynastie Tudor. Ironiquement, ce sont finalement les filles d’Henry, Marie I et Elizabeth I, qui ont accédé au trône après la mort de leur frère, Edward VI, à l’âge de 16 ans.

La reine Anne a connu au moins 17 grossesses en 17 ans. Elle donna naissance à 18 enfants, dont beaucoup furent mort-nés ; un seul d’etre eux vécut jusqu’à l’âge de 11 ans. Sans héritier, le trône fut transmis aux cousins allemands des Stuart, les Hanovriens.

Anne (au centre) et sa sœur Mary (à gauche) avec leurs parents, le duc et la duchesse d’York, peintes par Peter Lely et Benedetto Gennari le Jeune. Wikimedia, CC BY

Santé mentale

Le roi George III d’Angleterre a souffert d’épisodes maniaques qui ont entraîné l’instabilité du gouvernement et des crises de régence, à l’image d’Aerys Targaryen dans le monde de Game of Thrones. Diverses hypothèses médicales ont été proposées pour expliquer la folie du monarque, notamment la porphyrie, une maladie génétique du sang qui peut entraîner l’anxiété et la confusion mentale, ou plus récemment, le trouble bipolaire.

George a ensuite été dépeint comme un roi tyrannique et fou ayant provoqué la perte des colonies américaines de L’Angleterre. Cependant, en réalité, la monarchie britannique était constitutionnelle à ce moment-là et George avait peu d’influence directe sur les colonies.

Gravure par Henry Meyer de George III (1817). Wikimedia, CC BY

Des soins bien particuliers

La religion pourrait se mêler davantage de médecine à Kings Landing si les créateurs de House of the Dragon voulaient créer une maison royale à l’image de celles des débuts de l’Europe moderne.

En effet, les monarques catholiques malades et blessés croyaient aux pouvoirs de guérison des objets sacrés. Au XVIIe siècle, les reines d’Espagne enceintes se voyaient prêter la « santa cinta » ou « ceinture sainte », une relique qui aurait appartenu à Marie, la mère de Jésus. Le fait de porter ou de toucher ce vêtement était censé protéger les reines enceintes et leurs fœtus.

Les reliques des saints – hommes et femmes – jouaient également un rôle dans la guérison des monarques catholiques et de leurs familles.

Lorsque le prince Don Carlos des Asturies, héritier du roi d’Espagne Philippe II, a été victime d’un traumatisme crânien en 1562, des frères franciscains ont apporté le cadavre de Fray Diego de Alcalá dans la chambre du prince et l’ont placé dans son lit. Les premiers modernes ont attribué la guérison de Don Carlos à cette relique et à la chirurgie crânienne que les médecins ont pratiquée pour lui sauver la vie.

Dans un pays protestant comme l’Angleterre, à la fin du XVIIIe siècle, les soins apportés aux malades étaient beaucoup plus conventionnels, et plus brutaux aussi.

Le traitement des maladies mentales, y compris la manie de George III, impliquait par exemple l’utilisation de camisoles de force et de chaises de contention, que George, qui gardait son humour malgré la maladie, appelait souvent sa « chaise de couronnement ». Pas tout à fait le trône de fer… mais un trône pour un « roi fou », néanmoins.

Kristie Patricia Flannery, Research Fellow, Institute for Humanities and Social Sciences, Australian Catholic University et Sarah Bendall, Research Fellow, Gender and Women’s History Research Centre, Institute for Humanities and Social Sciences, Australian Catholic University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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