L’éveil est un film peu connu bien qu’il réunit Robert De Niro et Robin Williams. Il adapte le livre du Dr Oliver Sacks et de son travail sur les séquelles neurologiques de l’encéphalite léthargique. Ces malades semblent figés et absents. Il découvrira l’effet presque miraculeux de la L-Dopamine sur ces malades, les ramenant à la vie. En présentant le point de vue du médecin, ce film permet d’appréhender la recherche appliquée en médecine, recherche méconnue du grand public sous le terme d’essais clinique ou recherche clinique. C’est donc l’occasion de mieux comprendre cette recherche essentielle à nos systèmes de santé.
Sommaire
L’encéphalite léthargique
Mais avant, faisons le point sur l’encéphalite léthargique. Cette maladie est également appeler encéphalite épidémique ou maladie de von Economo-Cruchet, des noms des deux neurologues qui la décrivirent en 1917. Il s’agit d’une encéphalite rare dû à un virus. Elle a essentiellement frappé lors d’une épidémie de 1915 à 1926. Les raison de cette épidémie (et de sa fin) ne sont pas connue, il existe quelques hypothèses comme un lien avec la grippe espagnole mais rien ne fait l’unanimité. D’autant plus que depuis cette épidémie, la maladie semble avoir disparue avec uniquement de rare cas qui sont signalés de façon isolé. Une historienne pense même qu’une épidémie d’encéphalite pourrait être à l’origine des sorcières de Salem.
L’encéphalite entraine une forte fièvre, une pharyngite, des maux de tête, une vision double, une augmentation des temps de réaction voir une catatonie, une léthargie et une inversion du cycle veille-sommeil (symptôme qui lui a valu d’être parfois appeler la maladie du sommeil européenne). Elle donne parfois lieu à des états pseudo-comateux. Dans un tiers des cas, un symptôme parkinsonien post-encéphalique peut apparaître après la maladie mais se déclarant après un temps de latence qui peut durer plusieurs années. Ce symptôme peut être inhibé sur une courte période par de la L-dopamine. Récemment, le Zolpidem (un somnifère) semble également inverser ce symptôme bien qu’aucune étude à grande échelle ne vienne étayer quelques observations sporadiques.
La recherche appliquée médicale
Dans le film, le Dr Sayer explique qu’il travaillait auparavant dans un laboratoire lors de son entretien d’embauche comme neurologue dans un hôpital. De même la recherche médicale commence de façon théorique : observation d’une maladie pour établir son origine (dérèglement, virus, bactérie…) et son évolution. A partir de ces connaissances, on recherche une molécule (ou un mélange de molécules) qui pourrait agir au moins sur les symptômes ou sur l’origine. Quand une molécule pourrait être intéressante, différent tests sont fait, d’abord sur des tissus in vitro. Si ces tests sont concluant des tests sont effectués sur des animaux pour voir l’effet de la molécule sur un organisme (impossible encore à modéliser car c’est trop complexe). Cette étape permet également de déterminer la dose sans effet observable et la dose sans effet toxique observable, ce qui permettra d’établir les doses qui pourront être testées sans dangers pour le patient.
La Phase I
Le premier test chez l’humain sert à s’assurer que l’humain tolère bien le nouveau médicament [1]. Le test est alors effectué sur des personnes volontaires, en bonne santé indemnisé. Ce test permet également de voir le temps d’effet du médicament (cinétique). Pour certains types de médicaments, comme les anti-cancéreux, relativement toxiques, les tests sont réalisé directement sur des malades qui n’ont pas d’autres options thérapeutiques en vue de soins pour améliorer leur état. Cette phase est effectuée sur un nombre réduit de cas (de 20 à 80). Elle n’est pas présente dans le film puisque le Dr Sayer propose d’utiliser une molécule déjà utilisé dans une autre maladie (Parkinson) et donc dont on connait la tolérance chez l’humain.
La phase II
Il s’agit des premiers tests sur des malades. Il s’agit de voir les effets thérapeutiques puis de déterminer les doses à administrer (posologie). Dans un premier temps on test les effets thérapeutique sur une centaine de patients. Le groupe de patient est au moins divisé par deux, l’un des groupes recevant le médicament et l’autre le placebo. Le médicament doit être significativement plus efficace que le placebo. Dans le film, cette phase peut être vue comme l’essai sur Léonard bien qu’il n’y ait pas de comparaison à un placebo.
La phase III
On passe alors un test à grande échelle, l’étude porte sur plusieurs centaines de personnes et se déroule dans plusieurs centres d’études. S’il existe déjà un traitement pour la maladie testée, la nouvelle molécule sera administrée à un groupe de patient tandis qu’un autre recevra le traitement existant. La nouvelle molécule sera alors évaluée par rapport à ce traitement (elle doit être au moins aussi efficace). Si ces tests sont concluants, la mise sur le marché du nouveau médicament est alors possible (après autorisation des autorités de contrôle). Dans le film, cette phase est la généralisation du traitement à tous les patients.
La phase IV
Il s’agit des tests effectués après la mise sur le marché, ils peuvent rechercher des effets secondaires non observés lors des précédents tests. Ils permettent aussi d’étudier des effets lors de combinaisons avec d’autres médicaments ou sur des populations particulières.
Problèmes
Le principal problème est le coût important de ces études qui est à la charge des entreprises pharmaceutiques voulant commercialiser un nouveau médicament. Ce coût peut inciter les entreprises à bâcler ces tests ou à modifier les résultats. Pour limiter ces dérives, ces tests doivent répondre à des normes strictes d’éthiques et de procédure. En particulier, le double aveugle où ni le patient ni celui qui administre le traitement et évalue son efficacité sur le patient ne sait si le patient a reçu un placebo, le traitement de référence ou le nouveau médicament. Cela doit rendre les observations les plus neutres possible. Des biais peuvent également exister lors de la création des différents groupes qui doivent les plus semblables possible. Un dernier biais est lié à la non-publication des essais en particuliers des essais prouvant le peu ou la non-efficacité d’un traitement. Seules les études montrant un effet du médicament sont alors disponibles et le traitement est alors perçu comme plus efficace que ce qu’il est vraiment. Pour limiter les dérives, tous les essais cliniques (de la phase I à IV) sont effectués sous contrôles des autorités compétentes.
Pour revenir au film L’éveil, il présente est une très mauvaise étude clinique. Il ne tient pas compte de l’effet placebo par exemple, l’expérimentateur se laisse guider par ce qu’il souhaite voir comme résultat. Mais le cœur du film n’est pas là. Le film montre un médecin qui commence par avoir peur de ces malades qui ont leur monde à eux (où un stylo peut faire peur, où l’absence de mosaïque au sol empêche d’avancer…) puis découvre les êtres humains qui sont ses patients. Il refuse alors de ne pas chercher à soigner des personnes qui ne semblent répondre à rien (stimulation ou traitement) et à les croire sans conscience et sans guérison possible. C’est également une réflexion sur ce que c’est de vivre sa vie. Le film est magnifique et marque par son humanité malgré la fin assez sombre.
[1] Pour simplifier le texte, je parle que d’un médicament d’une molécule, mais les tests sont les même lorsque l’on souhaite produire un traitement contenant plusieurs molécules (et ce même si ces molécules sont individuellement sur le marché). Retour au texte
Pour aller plus loin :
Sur l’histoire des patients d’encéphalite léthargique et du traitement à la L-DOPA, un film documentaire de Bill Morrison de 2013 propose des images d’époque du Dr Sacks et de ses patients
La fiche de renseignement sur la recherche clinique sur le site HOPITAL.fr (des fiches similaire mais souvent moins complète existe sur les sites des grands groupes pharmaceutiques)
La fiche sur le site de l’ansm (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé) qui contrôle les essais clinique en France
Note perso
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La note des lecteurs :
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L’éveil (Awakenings), 1990
Réalisé par Penny Marshall
Avec Robert De Niro, Robin Williams, Penelope Ann Miller…
Nationalité Américaine
Durée 2h01
La bande annonce en VO (non-sous-titré)
One thought on “L’éveil : les essais cliniques”