Trois séries américaines actuelles présentent des recherches scientifiques passées. Deux s’occupent de recherches dans le domaine médicale (Masters of Sex et The Knick) tandis que la troisième, Manhattan, raconte, avec beaucoup de libertés, le projet du même nom qui a permis la construction de la bombe atomique.
Sommaire
Un avenir brillant en devenir (mais quelques questions d’éthique)
Le point commun de toutes ces séries est la période choisie. La discipline au cœur de la série est aux prémices de grandes avancées. Entant que spectateur actuel, nous connaissons les progrès scientifiques (et sociétaux) à venir. Mais les protagonistes eux-mêmes sentent l’arrivé de cette ère de grandes découvertes. Ils sont excités à l’idée d’y participer. Et parfois si pressés qu’ils ne pensent pas aux conséquences de leurs expériences. Dans la plupart des cas, nous savons déjà que leurs découvertes amèneront à une amélioration des conditions de vie et pardonnons plus facilement se manque de recul. Manhattan se distingue des autres puisque ce sont les chercheurs eux-mêmes qui se posent des questions éthiques sur la bombe qu’il est en train de mettre au point et de sa puissance destructrice. C’est également la seule série dont nous savons que l’aboutissement des recherches ne sera pas forcément un bienfait pour l’humanité. Néanmoins la personne qui amènera le plus de questions sur les répercussions des radiations est une biologiste, épouse d’un des protagonistes.
Prendre le temps de la recherche
L’avantage de présenter des recherches dans des séries permet de montrer le temps nécessaire à celles-ci. Ainsi la deuxième saison de Masters of Sex montre des ellipses temporelles d’environ un an une fois l’étude Masters et Johnson reprend après une pause dû à l’absence de travail pour le Dr Masters. Cet avantage est d’autant plus grand dans ces séries historiques puisque nous savons d’avance que les recherches vont aboutir à des résultats importants. Le format sériel permet de mettre en avant le quotidien des scientifiques qui n’est pas toujours rempli de découverte mais plus d’accumulation de données et de calculs. Il est également possible de montrer des échecs et des expériences qui n’aboutissent pas aux résultats attendus. Ces deux éléments sont fondamentaux en recherches et sont souvent mal pris en compte par la société qui reproche la lenteur et le peu de résultat des chercheurs.
Le travail d’équipe
Le dernier avantage de présenter des chercheurs dans une série est de pouvoir présenter plus de personnage que dans un film et également d’approfondir les relations entre eux. Nous découvrons alors les équipes de recherches (relativement petite). Si le héros reste le meneur/chef de l’équipe, les autres membres ont une réelle personnalité, des histoires propres et apportent des contributions importantes aux travaux de recherches mais ils restent des subordonnés aux héros. Il est alors possible de découvrir le travail en équipe qui est au cœur des sciences. Dans Manhattan, en particuliers, chaque membre de l’équipe a sa spécialité qui complète l’équipe. The Knick montre l’élaboration à plusieurs d’une théorie chacun apportant une idée. Enfin Masters of Sex présente une équipe pas uniquement composé de scientifiques et de médecins mais également de techniciens avec l’archiviste qui filme certaines expériences. Ces personnes essentielles dans les laboratoires sont souvent oubliées dans les fictions et ignorés du grand public.
Le scientifique, ce sale type mais en avance sur son temps
Une constante dans les séries actuelles est d’avoir un personnage principal un anti-héros. Et à la suite du succès de la série Dr House, dans les deux séries plus médicales de cet article, les personnages principaux sont assez antipathiques. De même dans Manhattan, la plupart des scientifiques ayant un rôle important dans la série a un moment ou un autre pris une décision moralement très discutable. Il s’en dégage que si les scientifiques sont décrit comme au moins intelligent et brillant (voir limite des génies), ils sont par contre pas très sympathiques. Certes le but est de les rendre pas trop parfait et donc plus humain. Je trouve dommage que l’on retombe toujours dans le même schéma du génie asocial comme dans Dr House ou pour le personnage de Sheldon Copper. Ce côté antipathique permet également de montrer des actes plus ou moins répréhensibles dans la recherche comme le plagiat, la compétition entre deux laboratoires sur la découverte/publication.
A l’opposé de ce côté antipathique, les scientifiques (en tout cas les héros) font preuve de tolérance vis-à-vis des minorités : les noirs, les femmes et les homosexuels. Dans Manhattan, il est dit que les personnes présentent dans l’équipe (dont un asiatique et une femme) sont là sur uniquement leur compétence. De même dans The Knick, le médecin noir est accepté par le héros quand ce dernier se rend compte de ses compétences. Les héros se montrent ainsi en avance sur leur temps en promettant les valeurs actuelles de non-discrimination. Certes les milieux académiques ont souvent fait preuve d’une certaine acceptation vis-à-vis des minorités mais ils ne sont pas absent de préjugés.
La recherche n’est pas le propos de la série
Un dernier point commun entre ces séries est la faible réalité historique sur les recherches réelles. Manhattan et The Knick présente ainsi des personnages fictionnels dans les rôles principaux. Au contraire Masters of Sex présente des personnes réelles mais modifie plusieurs faits biographiques. Si les personnages principaux sont des chercheurs, le propos principal des séries n’est pas la recherche scientifique en elle-même, elle est juste le moyen de parler de choses plus universelles comme la relation à l’autre, le secret… Mais c’est le cas de toutes les histoires et c’est ce qui nous permet de nous identifier à des personnages assez différent de nous.
Bonne nouvelle, toutes ces séries connaîtront plusieurs saisons, ce qui démontre un goût du public pour ces histoires et une curiosité vis-à-vis de la recherche scientifique et la façon dont elle se passe. Il est important de ne pas trop idéalisé cette dernière. Cela permet également de donner une image humaine des scientifiques qui ne sont pas meilleur que les autres. Bien sûr que cela désacralise la recherche scientifique mais en même temps les débats sur certains domaines (nucléaire, OGM, nanotechnologie…) ont déjà énormément modifié son image. Avoir une image réaliste sur la recherche scientifique et la science en train de se faire ne peut que permettre une meilleure compréhension de la façon dont les découvertes sont faites.
Cet article a été précédemment publié sur l’Agence Science Presse.