S’il existe une définition de la science-fiction (SF) qui correspond bien à ma vision du genre, c’est celle d’Isaac Asimov :
“On peut définir la Science-Fiction comme la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l’être humain aux progrès de la science et de la technologie”
C’est ce qui m’intéresse le plus dans les films et les séries de SF. Même si dans ces œuvres encore plus que dans la littérature, la science est parfois approximative. Elles permettent également d’imaginer comment sera le futur avec de nouvelles technologies et de nouveaux savoirs. Les thématiques de la SF ont donc évolué avec la science et la technique. Dans Jules Vernes, le futur est surtout présenté avec des modes de transports inédits permettant de nouvelles explorations. Dans les années soixante à quatre-vingt, beaucoup d’œuvres sont autour des robots et de l’informatique. Ces thématiques reflètent les domaines qui connaissaient effectivement un développement important à leur époque.
Depuis une trentaine d’années, les biotechnologies se sont fortement développées proposant des techniques agronomiques et médicales nouvelles. Elles permettent de mieux cibler les fonctions, les molécules ou les gènes qui nous intéressent. Elles nous promettent de nouveaux médicaments encore plus efficaces, des plantes pouvant résoudre la faim dans le monde ou de guérir les maladies génétiques. Elles soulèvent également de nombreuses interrogations et de nombreuses peurs. Devant leur place dans les rapports sciences-société, on pourrait penser qu’elles devraient être présentes dans les œuvres de science-fiction. Pourtant lorsqu’on pense science-fiction, on imagine des histoires de robots, de voyages spatiaux et d’un monde futuriste où la technologie informatique et robotique auront une place importante. On peut aussi penser à des cyborg ces êtres mi- humains mi- robot.
Durant des décennies, les robots avaient une image assez négative. Cette image a changé avec les œuvres d’Asimov et à ses trois lois de la robotique donnant des limites aux robots. Sans arrêter de questionner le développement de la robotique (puis de l’informatique), la vision globale des robots est positive. Cette vision se retrouve dans la société. Malgré des questions de vie privée, d’espionnage, les nouvelles technologies de l’informatique ou les nouveaux programmes sont facilement adoptés par le plus grand nombre (smartphone, tablette, réseaux sociaux, clound…).
Or c’est quasiment l’inverse pour les biotechnologies. Pour les œuvres de science-fiction s’intéressant à celles-ci, on retrouve souvent l’histoire du monstre qui s’échappe de son créateur. Cette histoire se retrouve dans une des premières œuvres de science-fiction, Frankenstein de Mary Shelley. Actuellement le monstre est fréquemment un virus mortel créé par l’homme comme dans Helix ou dans The Last Ship pour les exemples les plus récents. Cette crainte est habituellement renforcée par le fait que les scientifiques travaillant sur le vivant sont du secteur privé et/ou militaire. Les œuvres présentent les dérives comme accidentelles mais également les chercheurs dans ces domaines comme sans éthique, un très bon exemple de ce traitement est le film Splice. Si les risques des biotechnologies sont le fond de l’histoire, les potentiels bénéfices sont à peine évoquer quand ils ne sont pas tout simplement tus.
Une des rares œuvres avec une vision neutre sur les biotechnologies est la série Orphan Black. Elle présente des clones humains créés à partir de séquences d’ADN synthétique. Le fait que l’on suive l’histoire du point de vu des clones nous oblige à les voir comme des humains et non comme des monstres ou des êtres non-naturels (bien que certains protagonistes les voient ainsi). Leur confrontation à leur créateur pose les questions éthiques que ce dernier s’est posé mais également sa responsabilité face aux « défauts » de ses créations. Ils cherchent d’ailleurs à les réparer. A contrario, la série pose les questions sur la propriété de son propre corps et les brevets sur le vivant lié au côté privé de la recherche.
En conclusion, s’il existe une différence dans la perception et les peurs de la société entre la robotique et les biotechnologies, on ne peut pas l’expliquer uniquement par le traitement de ces deux thématiques dans la SF. Si la SF permet d’imaginer un usage des futures technologies, elle se nourrie des questionnements de la société contemporaine. Un très bon exemple est le remake de RoboCop. Une des questions soulevées par le film est l’usage de robots tueurs par les militaires, question qui a donné lieu à une réunion multilatérale par l’ONU. Bref si des œuvres de SF plutôt optimiste face aux biotechnologies pourraient avoir un effet positif sur la perception des biotechnologies par la société, mais un effet limité.
Cet article a été précédemment publié sur l’Agence Science Presse.
2 thoughts on “Les biotechnologies sont mal-vues dans la science-fiction”