19 décembre 2014 Ln Arnal 1Comment
Cet article est le 4 e de 7 dans la série Orphan Black
Temps de lecture estimé : 5 minutes

Pour ce dernier article de l’année 2014, j’inaugure un nouveau type d’articles. Il s’agit de présenter un article issu d’une revue à comité de lecture (les articles sont soumis à la révision par les paires ou peer-review) qui traite de science présent dans une fiction (film ou série TV). Techniquement, j’en ai déjà fait un sur ce blog à travers mon deuxième article sur la génétique dans le monde d’Harry Potter.

Alors que la saison 2 d’Orphan Black est sortie en DVD et qu’elle est visible sur Netflix, il était temps pour un nouvel article sur cette série extra. Si la science est un peu moins présente, les questions éthiques sont au cœur de cette saison. C’est pour cela que j’ai choisi un article sur l’identité dans les œuvres présentant des clones. L’article s’appuie sur d’autres œuvres qu’Orphan Black comme The Island ou Moon. Pour cet article, je ne conserverais que les exemples issus de la série.

Je suis une, mais pas unique, sans famille aucune, qui suis-je ?  (Orphan Black 1×01)

La science-fiction (SF) permet de proposer une pensée critique sur notre nature à travers un discours et des pratiques scientifique. Les sciences biomédicales fournissent une thématique fertile et des débats sociétaux important. La peur de la manipulation génétique (en particuliers sur les humains) a remplacé la peur du nucléaire. La science est décrite par la SF comme mauvaise car elle est présentée comme incontrôlable. Les expériences sont souvent condamnées par la société mais sont tout de même faite. (Je vous renvoie à mon article sur la vision des biotechnologies dans la SF).

La SF propose souvent la question de la différence entre humain et non-humain (via l’intelligence ou les émotions). A travers les clones, c’est la question de ce qu’est une personne qui est posé. Ces fictions présentant des clones se rapprochent des récits présentant des doubles. La présence de ces doubles menace alors le héros dans sa survie sur un plan physique, mentale et spirituelle. Mais récemment la SF propose des œuvres du point de vu des clones, ce qui modifie la question et la tension repose sur l’identité et les motivations du cloneur. Ce dernier est un agent de la science maléfique qui remplit son devoir. Le clonage n’est jamais au profit du clone et rarement pour le profit de l’original.

Dans Orphan Black, cette vision maléfique de la science est contrebalancée d’un part par la présence, tout aussi mauvaise, d’extrémistes religieux qui menace autant les clones que les expérimentateurs de Dyad Institut. D’autre part, il existe une clone scientifique qui a un rôle positif et cherche également à étudier les clones mais pour le profit de ceux-ci. Ainsi Sarah explique qu’elle se méfie des scientifiques pas de la science.

Les clones sont présentés comme des produits ce qui pose la question de leur humanité bien que ce soit biologiquement des humains. Leur corps et leur devenir sont la propriété d’autrui. Depuis la fin de la saison 1 d’Orphan Black, on sait que les clones sont sous copyright ainsi que leur descendance bien qu’elles soient sensées être stérile. Le simple fait d’être dupliqué contre dit leur individualité mais en plus leurs corps ne leur appartiennent pas. Elles sont même désignées comme organisme et leurs descendances comme un produit dérivé. Les clones sont souvent à la recherche de l’original et/ou de la figure paternelle du créateur. Cette recherche des origines rend les clones plus humains. Dans Orphan Black, la recherche du créateur est au cœur de la saison 2. Il se révèle même que le créateur est le père de Rachel, la première des clones.

Notre identité se définit dans la différence. De ce fait, lorsque les clones sont confrontés à d’autres clones, il s’en suit une crise identitaire. L’acceptation de la similitude crée un lien profond entre les clones proche des liens familiaux. Les clones posent également la question de l’inné et de l’acquis et Orphan Black présente des clones très divers bien qu’ayant le même génome laissant une large place à l’environnement dans la formation de la personnalité.

La promotion de la saison 2 repose sur l'individualité des clones  © BBC America
La promotion de la saison 2 repose sur l’individualité des clones © BBC America

Bien qu’étant des êtres complexes et à l’identité trouble, le statut d’humain est une question pour les clones. Ils ont souvent au départ un statut de sous-humain. Ce statut implique une certaine humanité. La question devient alors sur ce qu’est une personne. Puisque ce sont des copies, sont-ils des sujets ou des objets ? Les clones entrainent alors l’audience dans un processus en 3 étapes :

  • Ils sont présentés comme humain ou presque humain
  • Leur artificialité est mise en avant
  • Ils réclament leur personnalité et leur individualité devenant alors un sujet

L’indicateur de l’humanité est l’âme qui est refusé aux clones. Orphan Black le présente par les Proléthiens qui considèrent les clones comme des abominations sans âme. Seule Helena est vue par Hank comme une créature bénie par Dieu (à l’opposition des autres clones). La fiction pose nos gènes comme ce qui nous différencient des machines et de l’artificiel en portant notre imperfection. Modifier et améliorer nos gènes seraient alors désastreux pour notre espèce et notre société. Les fictions positionnent dans nos gènes notre identité personnelle et donc condamne leur modification. La science profane alors nos gènes sacrés et expose le scientifique comme un dieu.

Les fictions de clones acceptent la production en série d’humains à l’infini mais sans individualité unique base de notre subjectivité. Le clonage empêche alors notre imprédictibilité par la reproduction de masse. Malgré une vision non manichéenne de la science, le caractère sacré du génome reste présent dans les fictions. Ainsi, dans Orphan Black, Sarah et Helena sont vu comme un miracle par les Proléthiens car elles peuvent avoir des enfants. Étant destinées à être stérile, elles représentent ainsi la victoire de la reproduction sexuée sur le clonage.

Le point central de ces fictions reste l’objectivation du sujet. Ces dernières nous forcent à reconsidérer notre conception traditionnelle de l’identité comme quelque chose d’unique et cohérent. Le clone dissous l’altérité et propose un modèle alternatif d’identité. Il permet la subjectivité au-delà de la singularité.

Un mot sur cette deuxième saison d’Orphan Black qui se relève légèrement moins bien que la première à cause d’un éparpillement des clones (et des histoires) mais reste intéressante et addictive. Et vous, que pensez-vous de la question de l’identité à travers les clones ? Qu’avez-vous pensé de cette deuxième saison d’Orphan Black ?

L’article d’origine :

Escudero Pérez, J. (2014). Sympathy for the Clone: (Post)Human Identities Enhanced by the ‘Evil Science’ Construct and its Commodifying Practices in Contemporary Clone Fiction. Between, 4(8). doi:10.13125/2039-6597/1303

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Note perso (saison 2) :

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La note des lecteurs :

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Orphan Black, 2013 (en production)
Créée par Graeme Manson, John Fawcett
Avec Tatiana Maslany, Dylan Bruce, Jordan Gavaris plus
Nationalité Américaine, canadienne (BBC America)
Format 42 minutes

La bande annonce de la saison 3 (sans spoiler de la saison 2) :

One thought on “Orphan Black : l’identité des clones

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