Ces derniers jours, le mot-clé #fieldworkfail regroupe les anecdotes de chercheurs du monde entier sur les « dangers » de la recherche sur le terrain. Avant cela, c’est la mode des conférences sur ses propres échecs et ce qu’ils ont permis d’apprendre qui revenait sur les échecs des scientifiques (et des autres). Or les scientifiques des fictions audiovisuelles ne semblent jamais avoir de soucis dans leur travail, leur expériences marchent toujours du premier coup, les experts trouvent toujours de quoi analyser…
Néanmoins la dernière saison de The Big Bang Theory (la huitième) pose la question de l’échec à travers les personnages de Sheldon et Leonard. En particulier dans l’épisode 10 où les héros s’occupent de vider le bureau d’un collègue décédé qui gardait une bouteille de champagne pour sa grande découverte qui lui assurerait la postérité. Nos amis se demandent alors si eux-mêmes finiront par faire une grande découverte. La saison voit également Sheldon changer de sujet de recherche puisque ses recherches n’avancent pas. Bien évidemment, au cours de la saison, les deux compères vont faire une trouvaille importante qu’ils publieront. Leur article connaîtra un grand succès et ils devront exposer leur travail dans diverses universités.
Cet exemple est flagrant de la façon dont l’échec d’un scientifique sera présenté dans une fiction. Il s’agit d’une étape avant la réussite et le succès. Mais quand on regarde de plus près, si l’échec est une étape avant la réussite, ce que ce dernier apporte varie. Dans The Big Bang Theory, la mise en avant de l’échec permet de mettre en valeur leur réussite. Elle permet également aux personnages de prendre du recul sur leur carrière et de les remotiver même si la découverte de Leonard peut sembler fortuite.
Dans les autres séries « scientifiques » récentes, on retrouve cet échec mais leur rôle scénaristique est légèrement différent. Dans The Knick, les personnages principaux se confrontent régulièrement à des échecs. S’ils sont présents dans un souci de réalisme, la médecine de l’époque n’était pas aussi performante qu’aujourd’hui, ils servent surtout à encourager la coopération entre les différents médecins Ils permettent également de rendre plus humble le personnage principal qui se trompe totalement de théorie autour des transfusions sanguines (et la raison de leur échecs). Le spectateur moderne avec les bases scientifiques actuelles comprend instantanément que sa théorie est fausse et qu’au contraire celle de son rival est la bonne.
Dans Manhattan, l’échec est quelque peu différent. Il s’agit d’abord de l’échec de la théorie de l’équipe concurrente recevant le plus d’aide de la part des militaires. L’équipe du héros est alors vu comme des outsiders mais également comme meilleure car elle suit la bonne piste qui permettra la création de la bombe. Seul Isaac, le second héros, se rend compte de l’intérieur de l’erreur de l’équipe principale. Il en sort comme un très bon scientifique et il aidera alors les héros en leur donnant accès à des ressources aux héros. Cela leur permettra d’avancer plus rapidement et de pouvoir analyser leurs propres échecs. Les expériences ratés sont là tant par soucis de réalisme que comme élément pour ralentir le récit pour tenir la longueur de la saison.
Si les séries peuvent se permettre de ralentir le récit par des échecs, qu’en-t-il des films ? Eux aussi présentent l’échec comme un élément scénaristique. Dans Contact, l’héroïne peine à trouver des financements faute de résultat dans ses recherches. Sa persévérance sera tout de même payante puisque le récit montre qu’elle avait raison de continuer ses observations. De même Le Pic de Dante, comme nombre de films catastrophes, montre un scientifique pas écouter par la communauté scientifique qui se révèle être celui qui a raison donnant tort aux autres scientifiques souvent moins catastrophistes. Enfin dans le film Splice, film d’horreur, l’échec des premiers hybrides est annonciateur de l’horreur à venir.
Il existe toutefois dans des comédies, des scientifiques qui sont décrit comme moyen (Evolution) ou mauvais (Ghostbuster) ne cherchant pas à révolutionner l’état des connaissances. Ils se relèveront comme tout à fait compétant par le film. Leur échec de début de film étant excusé par un manque total de motivation de faire des recherches importantes. Ainsi dans Evolution, les héros se contentent de donner des cours et ne semblent pas faire de recherche scientifique si ce n’est un travail d’analyse. Dans Ghostbuster, le personnage de Bill Murray préfère draguer les étudiantes plutôt que de mener une étude de façon rigoureuse. Néanmoins les événements les amèneront à montrer leur savoir-faire.
Les échecs scientifiques ne semblent pas faire partie des fictions audiovisuelles, car ils sont systématiquement dépassés par les héros et ainsi transformer en succès. Le spectateur peut alors les oublier car se sont de simples éléments scénaristiques permettant, en fin de compte, la découverte du scientifique. Or les échecs sont très importants en science. Dans certains cas, ils permettent d’améliorer le protocole de l’expérience. Dans d’autre cas, l’absence de résultat est un résultat et sa non-publication entraîne des biais dans la perception de la communauté scientifique d’un phénomène. C’est particulièrement visible dans le cas d’études médicales où un traitement peut être perçu comme plus performant qu’il n’est justement car les contre-performances de celui-ci ne sont pas publiques.
L’échec est également un élément important de la vie d’un scientifique et de jeunes scientifiques peuvent s’y heurter quand ils passent des expériences donnant forcément des résultats dans le cadre de travaux pratiques à des expériences à l’issue incertaine dans le cadre d’un travail de recherche. Il est donc intéressant d’avoir des séries ayant le travail de recherche scientifique au cœur de leur intrigue et qui prennent le temps de montrer ces échecs.
Cet article a été précédemment publié sur le site de l’Agence Science Presse.