Comme premier article de 2016, je ferais échos au dernier article de 2014 en revenant sur la série Orphan Black et sa troisième saison. Pourquoi je n’en ai pas parlé plus tôt ? J’aime toujours autant la série mais j’attendais sa diffusion sur Numéro 23 mais la série est devenue une série Netflix pour sa diffusion française. Je traiterais la saison 3 en deux articles. Si vous ne connaissez pas la série, je vous invite à la découvrir bien vite.
Cet article repose sur un élément important de l’intrigue dévoilé dans l’épisode 6.
Dans cette troisième saison, on découvre la branche militaire du projet sur les clones avec le projet Castor et les clones masculins (joués admirablement par Ari Millen) [1]. Comme les clones féminins, ils développent une maladie dégénérative mais celle-ci est neuronale. Nous découvrirons dans le 6eme épisode
Sommaire
De la forme des protéines
Avant tout de chose, il important de parler des protéines et de leurs formes. Les protéines sont des chaînes (longues) d’acides aminés. Elles sont assemblées dans les cellules à partir de séquences d’ADN qui donnent la séquence des acides aminés. Les protéines interagiront ensuite avec leur environnement et permettront à la cellule d’agir et de communiquer sur et avec son environnement. Les protéines assurent une multitude de fonctions dans la cellule vivante et dans les tissus : rôle structurel, dans la mobilité, dans la compression de l’ADN, dans la régulation de l’expression génétique, dans la signalisation cellulaire ou encore comme catalyseurs. Ces fonctions reposent sur la forme tridimensionnelle de la protéine.
Cette forme tridimensionnelle est liée à la (ou des) séquence d’acide aminé qui la compose. Un acide aminé est une molécule chimique de la forme :
NH–CαHRn–CO
Cα est une chaine de α atomes de carbone et Rn est une chaine d’atomes secondaire ce qui donne (grosso modo) une molécule en forme de T. La liaison peptidique se fait systématiquement entre l’amine (NH) et l’acide(CO) de deux acides aminés. Selon les propriétés physico-chimique de la chaine secondaire certains acides aminés de la protéine vont s’attirer et d’autres vont se repousser. Cela va donner une forme spécifique à la protéine et lui donnera ses propriétés propres en la rendant fonctionnelle. Si souvent la simple chaine protéique réagit seule pour se mettre en forme, elle nécessite parfois l’action de protéines chaperonnes pour donner la bonne forme.
Quand une protéine n’a pas la bonne forme
La forme de la protéine est indispensable pour que celle-ci soit active et puisse être fonctionnelle. Si pour une raison ou une autre, elle n’a pas la bonne forme, la protéine est alors inactive. Plusieurs raisons peuvent être à l’origine d’une protéine mal pliée. La première est une mutation génétique qui modifie la séquence d’acides aminés de la protéine. Le changement d’un seul acide aminé peut empêcher le pliage correct de la protéine et la rendre inactive. De même une seule mutation peut rendre la chaine d’acides aminés plus courte ce qui empêchera la protéine de prendre sa forme active. Mais une mutation n’est pas la seule raison qui peut empêcher une protéine de prendre sa forme fonctionnelle. Un changement de l’environnement peut suffire (cela a rarement lieu dans la cellule) comme une hausse de la température, une modification du pH…
Outre le fait de ne pas être fonctionnelle, certaines protéines mal pliées ont tendance à s’agréger entre-elles. Cela pose un nouveau problème à l’organisme qui n’est plus capable alors de à détruire ces protéines non-fonctionnelles et qui s’accumulent en amas. Ce type d’amas est responsable de maladies comme la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la maladie de Charcot… Ce type de mécanisme est essentiellement connu pour des maladies neurodégénératives mais peut être impliqué dans d’autres maladies la cataracte sénile.
Quand la protéine se transmet
Les encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) dont fait partie la maladie de Creutzfeldt-Jakob sont dues à une protéine mal pliée appelée Protéine Prion (PrP). Elle peut avoir deux formes tridimensionnelles. La forme PrPC est la forme normale cellulaire. Sa fonction exacte n’est pas connue mais elle est présente au niveau des membranes cellulaire en particulier des neurones. La forme PrPSc (pour scrapie ou tremblante, nom de la maladie qu’elle cause chez les moutons) est la forme mal repliée qui s’accumule. Mais en plus, la forme PrPSc transforme les PrPC normale et fonctionnelle en PrPSc. La forme PrPSc se transmet ainsi de protéine en protéine.
Il a été également découvert que la forme PrPSc peut se transmettre d’un individu à un autre ce qui fait des EST des maladies infectieuses. La transmission peut se faire par inoculation de tissus contaminés comme ce fut le cas par les extraits d’hypophyse utilisés dans les traitements à l’hormone de croissance, des greffes de cornées… Elle peut se faire également par ingestion comme lors de la maladie de la vache folle ou la maladie Kuru dû à des rites funéraires anthropophages dans des tribus de Nouvelle-Guinée.
Les EST sont les seules maladies transmises par une protéine connues chez les mammifères. Néanmoins récemment des mécanismes similaire à la dissémination entre les cellules des prions pathogènes ont été mis en évidence dans les autres maladies neurodégénératives dû à des amas de protéines mal pliées telle que la maladie d’ d’Alzheimer, les maladies de Parkinson et la maladie de Charcot. Cependant ces maladies ne semblent pas transmissibles d’un individu à l’autre. Seuls des facteurs génétiques favorisant ces maladies peuvent être transmis entre ascendants et descendants.
Pour revenir à la série, si la protéine rendant malade les clones masculins n’est que fiction, elle repose grandement sur le prion. Il faut noter que malgré des restrictions dans le don de sperme, aucune transmission d’EST par le sperme n’a été observée.
Cette première partie de la saison 3 d’Orphan Black continue une œuvre de bonne science-fiction dans le sens premier du terme (de la fiction autour de la science). La science (et la biologie en particulier) est au cœur des événements et des rebondissements du scénario. Après, une connaissance approfondie en biologie n’est pas nécessaire pour apprécier l’intrigue. Mais pour une personne comme moi avec ces connaissances, ça fait terriblement plaisir de voir un scénario respecté nos connaissances actuelles et même les utiliser pour raconter l’histoire. Enfin Ari Millen qui joue les clones masculins brille dans son interprétation multiple presque autant que Tatiana Maslany. Cette saison 3 continue à brouiller les pistes et à complexifier l’univers de la série. Si j’avais un peu moins aimé la saison 2, cette saison me réconforte dans mon affection pour cette série.
Je reviendrais bientôt pour parler de la fin de cette troisième saison dans un prochain article.
Pas tout compris ? Tu as des remarques ? Une erreur s’est glissée dans le texte ? N’hésite pas à laisser un commentaire, j’y répondrais avec plaisir.
Pour aller plus loin :
Sur ce point dans la série (en anglais)
Orphan Black science recap de l’épisode 6 sur le site Mary Sue
Can the Project Castor prions be an STD? sur Science vs Hollywood
Sur les protéinopathies et les prions
Quel rôle jouent les prions dans les maladies neurodégénératives ? Emission du 1er mai 2015 de Science publique (France culture)
Le dossier de l’Inserm Maladies à prions / Maladie de Creutzfeldt-Jakob
[1] J’utiliserai le terme de masculin pour parler des clones issus du projet Castor et de féminin pour parler des clones issus du projet Leda indépendamment de leur genre. La saison 2 nous présentait ainsi un clone féminin qui était un homme (trans), Tony. Retour au texte
Note perso :
[display_rating_form]
La note des lecteurs :
[display_rating_result]
Orphan Black, 2013 (en production)
Créée par Graeme Manson, John Fawcett
Avec Tatiana Maslany, Dylan Bruce, Jordan Gavaris …
Nationalité Américaine, canadienne (BBC America)
Format 42 minutes
La bande annonce de la saison 3 :
La fiche Allociné Orphan Black