28 novembre 2014 Ln Arnal 2Comment
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Pour ce deuxième article autour de l’épidémie d’Ébola qui sévit en Afrique de l’Ouest en ce moment, on quitte le champ de la physiologie pour aller sur des champs plus sociologique. Pour explorer ce pan, le film Le hussard sur le toit est parfait. L’histoire nous fait suivre un partisan Italien durant le début de l’épidémie de choléra de 1832, poursuivit par des espions autrichiens, il croise une jeune aristocrate et l’aide à rejoindre son château en Provence. Tout au long du film, on découvre l’hystérie et la peur des foules face à cette maladie peu connue et mortelle, les quarantaines et la disparition des structures de la société.

L'héroïne se retrouve dans une quarantaine
L’héroïne se retrouve dans une quarantaine

Pourquoi Ebola nous fait plus peur que la grippe ?

Ébola est une maladie qui réveille de vieille peur. C’est une maladie fortement mortelle (si on sait maintenant quoi faire pour augmenter la survie) pour laquelle il n’y a pas de traitements ou de vaccins dont les symptômes sont impressionnants et foudroyante et la mort des personnes soignant. Il en est de même pour le choléra dans le film. Par contre il est important de noter que les symptômes et la propagation du choléra n’est pas réaliste dans sa description dans l’œuvre. Cette peur profonde (et le manque de solutions proposés par les scientifiques) laisse une grande place aux rumeurs qui limite les effets de la prévention et l’action des personnels médicaux.

Il faut s’y faire notre cerveau évalue très mal les statistiques et donc les différents risques. Quelque chose de quotidien fait moins peur que quelque chose qui semble lointain et spectaculaire. Ainsi on a tendance à avoir plus peur des crashs d’avion que des accidents de voitures alors que l’avion est proportionnellement plus sûr que la voiture et qu’on a plus de chance de mourir en voiture qu’en avion. Il en ait de même pour les maladies. Européens et Nord-Américain sont affolés dès qu’une personne infectée par Ébola sur le sol de leur pays mais ils n’ont pas peur de la grippe. Or la grippe tue tous les ans des milliers de morts (En France, c’est autour de 1000 personnes par an). On a donc plus de chance de mourir de la grippe que d’Ébola dans nos pays.

Cette mauvaise perception des risques rend la gestion des épidémies difficile. En Europe, il faut réexpliquer tous les ans pourquoi les personnes vulnérables aux maladies doivent se faire vacciner contre la grippe. En Inde, il est difficile de lutter contre le paludisme puisque cette maladie fait partie de la vie quotidienne. Ou encore pourquoi on a tardé à prendre conscience de l’importance de l’épidémie d’Ébola. Il est important de prendre en compte comment les risques sont perçus pour mieux y répondre.

Respect des us et coutumes

Une autre donnée à prendre en compte est les us et coutumes locales. Dans le cas d’Ébola, les morts restent très contagieux et il est important de ne pas toucher la dépouille d’un malade. Or dans de nombreuses régions d’Afrique où sévit Ébola, les rites funéraires sont important et comporte de lavements et des ablutions. Ces derniers sont des moments d’infections. L’OMS estime que 20% des infections d’Ébola dans l’épidémie actuelle ont lieux lors de ces rites. Si la première réaction est d’interdire ces rites, elle est très mauvaise car elle n’est pas comprise par les familles. En réponse, les familles refusent les soins ultérieurs, laissant ainsi la maladie se propagée. Avec l’aide d’anthropologues connaissant bien les rites, il est possible alors de proposer des rites alternatifs respectant la coutume et les proches du défunt tout en empêchant de nouvelles contaminations.


Médecins, anthropologues, des approches… par CNRS

Effets économiques d’une épidémie

Au-delà du coût des soins lors d’une épidémie, cette dernière a un vrai impact sur l’économie d’un pays. Les personnes malades et/ou leurs proches seront moins productif en ne travaillant pas ou, s’ils travaillent, en étant moins efficace car affaibli par la maladie et en la transmettant à leurs collègues. Si pour la grippe saisonnière dans nos pays, cela se traduit par un léger ralentissement de l’économie, l’épidémie actuelle d’Ébola déstabilise beaucoup plus les économies fragiles de ces pays se relevant de guerre civile pour la plupart. Les cultures sont laissées en jachère, les échanges commerciaux avec d’autres régions se réduisent voir disparaissent. Cela entraine une flambée des prix tandis que les revenus des ménages diminuent. Les conséquences économiques peuvent se sentir même après la fin de l’épidémie, le temps que l’économie se restructure et se stabilise.

Destruction des structures médicales

L’une des conséquences les plus désastreuses d’une épidémie de type Ébola est pour le système de santé. Les personnels médicaux sont les plus touché par la maladie. Dans des pays ayant déjà trop peu de soignants, la mort de ceux-ci est catastrophique. Tout d’abord à court terme car le personnel formé se fait de plus en plus rare et doit être remplacer mais également à plus long terme car les régions touchées connaitront une pénurie de personnel médical le temps que de nouvelles personnes soient formées et arrivent là où ils sont nécessaires. Une autre conséquence est la pénurie de personnel, de temps et de fond pour s’occuper des autres malades. Pendant l’épidémie d’Ébola, les autres maladies continuent de se rependre et les malades ont plus de mal à se faire soigner, les campagnes de préventions et d’informations sont suspendue.

En conclusion les épidémies ne sont pas uniquement un problème médical mais un problème sociétal qui nécessite une réponse multiple et dont les conséquences peuvent être encore visibles plusieurs années après leur fin. Elles sont étudiées par les sciences sociales et leurs les réponses aux futures épidémies doivent s’adapter aux spécificités locales. Au-delà des épidémies, les sciences sociales et l’anthropologie en particuliers peuvent aider le milieu médical à être plus efficace dans l’information et la prévention médicale.

Le Hussard sur le toit propose un bon divertissement avec une histoire romanesque. Il faut néanmoins noter qu’il contient quelques passages pouvant choquer à travers les nombreux morts du choléra pour la plupart laissé sur le lieu de leur mort. Il manque peut-être légèrement de contexte historique pour mieux comprendre le début de l’intrigue (indépendance et unification italienne).

Pour aller plus loin :
Ebola: les anthropologues en renfort un article de CNRS le magazine
Une vidéo TED sur la raison pour laquelle le paludisme existe encore en Inde (en anglais sous-titré en français)
Une vidéo sur l’étude d’une pandémie dans World of Warcraft (et donc sur la réaction des joueurs) par DirtyBiology
Deux articles de l’OMS sur les enseignements de l’épidémie d’Ébola et sur les conséquences produits après 6 mois d’épidémie

Note perso

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La note des lecteurs :
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Le hussard sur le toit, 1995
Réalisé par Jean-Paul Rappeneau
Avec Juliette Binoche, Olivier Martinez, François Cluzet…
Nationalité française
Durée 2h15

La bande annonce en VF puisque c’est un film français

2 thoughts on “Le hussard sur le toit ou les effets d’une épidémie

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