Les figures de l’ombre présente trois scientifiques noires de la NASA peu connues malgré leurs apports importants à la conquête spatiale. Il a fallu le travail d’historien.ne.s pour déterrer leur travail puisque une importante de celui-ci n’était pas signée de leur nom. Ce travail a mis en avant la participation de nombreuses femmes blanches et noires aux travaux de la NACA qui deviendra la NASA. Après avoir fait le point sur la place des femmes dans l’histoire des sciences, il est temps de voir ce qu’il en ait aujourd’hui et de ce qu’en dit la sociologie des sciences.
Sommaire
Petit bilan de la place des femmes en science
Si durant de nombreuses années, les femmes ont été tenues éloignées des sphères officielles de la science, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il semble acquis que les femmes ont leur place dans le monde de la recherche scientifique mais quand on regarde de plus près ce n’est pas si simple. En France, elles ne représentent que 26% des chercheur [1]. Mais derrière ce chiffre se cache d’autres inégalités.
s mais en Lettonie, elles représentent 52%Les femmes ont une meilleure scolarité, elles sont majoritaires dans les diplômé [2]. Elles ne sont plus que 44% au début des carrières universitaire. Mais elles ne sont plus que 21% dans les postes de type professeur d’université. Néanmoins cette proportion augmente dans le temps. La proportion de femmes aux postes d’enseignant.e.s-chercheur.se.s varie énormément selon les disciplines. Cela va de 59% dans les langues et littératures à 18% dans les sciences de l’ingénieur. Dans le privé, ces variations s’observent également avec 58% de chercheuses dans l’industrie pharmaceutique contre 11% dans la fabrication d’équipement électrique.
s de niveau licence (59%)Mais comment expliquer ces différences ? Et pour cela, il faut se pencher vers la sociologie des sciences qui s’intéresse, en particulier, à l’organisation humaine de la recherche scientifique.
Les femmes ne se voient pas comme scientifiques
La sociologie des sciences a mis en lumière différents effets qui ont participé à l’effacement de l’apport des femmes en sciences. L’un d’eux est l’effet Matilda pendant de l’effet Mathieu. Ce dernier est le fait que les scientifiques (et les organismes de recherche) déjà reconnu par la communauté reçoivent plus de reconnaissance de leur travail que ceux peu connu. L’effet Matilda est le fait de minimiser ou dénier le travail des femmes scientifiques et en particulier de l’attribution de leur découverte à des collègues masculins.
De plus, il existe un effet harem où un homme scientifique s’entoure de femmes pour leur recherche. Dans ce cas, l’homme est en situation de pouvoir et les femmes sont des subordonnées. Cet effet s’explique en partie par la différence de salaire entre hommes et femmes. Lorsque cet écart était important, il était alors possible de recruter plus de personnes en privilégiant les femmes. C’était une des raisons de l’existence de groupe de calculatrices à la NACA/NASA comme on le voit dans le film.
Cet effacement de l’apport des femmes a un effet palpable sur les femmes actuelles. Les sciences, et en particuliers les mathématiques et la physique, sont vu comme un domaine masculin où les femmes n’ont pas leur place. Cette idée reçue a un impact important. Une étude récente montre que les femmes se voient comme moins brillante que les hommes dès l’âge de 6 ans. Il a également été démontré que l’existence d’un stéréotype défavorable à une personne tend à limiter celle-ci, c’est la menace du stéréotype. De ce fait, les femmes se dirigent peu vers les études scientifiques et la recherche scientifique, postulent moins aux postes d’enseignant.e.s-chercheur.se.s, déposent moins de brevet et participent moins dans les dispositifs d’incitation [2].
La science, un espace sexiste
Le monde de la recherche scientifique se voit comme égalitaire et universaliste, ne jugeant ses membres que sur leur mérite. Or cela reste une organisation humaine soumise aux préjugés de la société. Ainsi il est attendu de la
scientifique de se dédier entièrement à sa recherche quitte à y passer des jours et des nuits. Or cette vision est opposée à la vision de la femme partagée entre le domaine professionnel et domestique. D’autant qu’une grossesse (et l’éducation des enfants) est vue comme une coupure de la carrière des femmes scientifiques et un désengagement contraire à la vision du travail de recherche.Le monde de la recherche est également vu comme compétitif, qualité masculine dans notre société est peu valorisée chez les femmes dans leur éducation. D’un côté les femmes se limitent elles-mêmes en ne s’estimant pas assez capable de remplir les postes les plus élevés et d’un autre côté les recruteurUn effet similaire a été observé dans le système d’évaluation des publications scientifiques (peer-review) où les reviewers évaluent plus favorablement des scientifiques de leur genre. Étant majoritairement des hommes, les chercheurs sont avantagés par rapport aux chercheuses.
s tendent à favoriser des candidat s similaire à elles . Comme ses derniers sont majoritairement des hommes, ils favorisent les hommes au détriment du peu de femmes qui postulent.Enfin, au quotidien, les femmes scientifiques doivent faire face à des collègues sexistes dans leurs attitudes ou dans leurs propos. Autant de rappel que l’univers de la recherche est un univers masculins où les femmes sont des exceptions. Pour mettre ce sexisme est lumière des femmes scientifiques témoignent. Enfin une journaliste a proposé le test de Finkbeiner, similaire au test de Bechdel pour les films. Ce test s’applique pour les articles biographiques de femmes scientifiques. Pour le passer, ces derniers ne doivent pas mentionner :
• le fait que la scientifique soit une femme ;
• le métier de son mari ;
• la manière dont elle concilie maternité et travail ;
• la manière dont elle materne ses subordonnés ;
• combien la compétition dans sa spécialité l’a stupéfiée ;
• le modèle qu’elle représente pour d’autres femmes ;
• le fait qu’elle est » la première femme à … «
Ces biais et de ces obstacles sont de plus en plus pris en compte par les universités et les gouvernements. Cette prise en compte permet d’enclencher un cercle vertueux favorisant les femmes dans la recherche scientifique.
Pour en revenir au film, il replace bien la lutte des femmes noires employées à la NASA pour la reconnaissance de leurs savoirs et de leurs compétences. Les plans larges montrent tant le côté David contre Goliath de ces femmes face à la NASA et aussi le contraste entre ces femmes (de couleur) habillées en robes colorées face aux hommes tous blancs en chemise blanche et cravate noire. Cela permet au spectateur de bien sentir leurs sentiments de solitude face à leurs collègues en étant souvent la seule femme et la seule personne noire de la pièce. Si le film vous a plu, je ne peux que vous recommander de lire le livre à la base du film. Il retrace une période plus longue et présente plus de parcours de ces femmes oubliées de l’histoire.
Pas tout compris ? Tu as des remarques ? Une erreur s’est glissée dans le texte ? N’hésite pas à laisser un commentaire, j’y répondrais avec plaisir.
[1] Statistiques de l’UNESCO sur la science et égalité des genres (retour au texte)
[2] Enseignement supérieur et recherche : vers l’égalité femmes-hommes ? Chiffres clés, 2016 (MENESR-DGRH 2015) (retour au texte)
Pour aller plus loin :
La vidéo de Macroscopie La science une affaire d’hommes? (et la bibliographie dans la description)
Les femmes et les sciences, livret de l’association femmes et sciences
Sciences et genre : l’activité scientifique des femmes, Les cahier du CEDERF n°11
V. Femmes, genre et science : objectivité et parti pris par Dominique Pestre dans Introduction aux Science Studies (La Découverte, 2006)
Le cas de l’Université Claude Bernard Lyon 1, état des lieux et mesures
Note perso
Les figures de l’ombre (Hidden Figures), 2016
Réalisé par Theodore Melfi
Avec Taraji P. Henson, Octavia Spencer, Janelle Monáe …
Nationalité Américaine
Durée 2h06
La bande annonce en VOSTF
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