Cet article était prévu pour le vendredi 27 mars mais des événements personnels m’ont empêché de le publié à temps. Les articles suivant de la série devraient bien sortir les derniers vendredi du mois. Cet article est basé sur un article déjà publié mais il est enrichie et retravaillé pour mieux correspondre aux articles actuellement mis en ligne.
Aujourd’hui nous commençons l’exploration des maladies pouvant expliquer le mythe des vampires (parce qu’il n’y en pas qu’une). Pour cela je vais me pencher sur un film de vampires marquant des années 1990, Entretien avec un vampire. Si le casting masculin peut expliquer l’engouement autour de ce film : Brad Pitt, Tom Cruise et Antonio Banderas… Il faut également reconnaitre que l’histoire d’Anne Rice est plutôt bonne. Personnellement, je ne me lasserais pas des jérémiades de Louis -contrairement à d’autre (Lestat). Bref un film de vampire important qui est plus psychologique que d’horreur pur (il est quand même interdit aux moins de 12 ans avec raison car certaines scènes sont choquantes).
Les vampires sont intimement liés au sang et il semble assez naturel que le mythe du vampire soit lié à une maladie du sang. Plusieurs scientifiques ont émis l’hypothèse d’un lien entre les porphyries et les mythes de loup-garou et de vampire (ces deux espèces sont en fait très proche, je reviendrais dessus). Ce groupe de maladies sont des maladies génétiques lié à la production de l’hémoglobine par le corps.
Pour bien comprendre, il faut se rappeler que toutes les cellules respirent pour créer de l’énergie et ont besoin d’oxygène et rejettent du dioxyde de carbone. Ces molécules sont transportées dans le sang par les globules rouges grâce à l’hémoglobine. Cette dernière est composée de 4 molécules d’hèmes qui se combinent avec 4 protéines dites globules. L’hème est la partie qui s’attache au fer qui transporte l’oxygène en s’oxydant (en gros l’atome de fer rouille) et donne la couleur rouge du sang.
L’hème est une molécule non-protéique. Ce n’est pas une protéine et elle ne vient pas d’un gène qui est traduit en une suite d’acides animés. Elle est fabriqué par l’organisme à partir de plusieurs molécules l’une venant du cycle de Krebs qui transforme le sucre en énergie (succinyl-CoA) et l’autre est un acide aminé (glycine). Ces deux molécules sont transformées en une molécule d’hème par une série de réactions induites par de protéines, les porphyrines. Ces dernières sont codées par des gènes et une mutation peut rendre l’une d’elles inefficace. Ces mutations rendent alors la formation d’hème difficile et ne transforment pas toutes les molécules intermédiaires (appelé des précurseurs) en hème. Ces précurseurs s’accumulent alors dans l’organisme entrainant divers symptômes. Parmi eux, il y a des cas de destruction de l’épiderme (la peau) lors d’exposition au soleil obligeant les malades à éviter la lumière du jour, une coloration rougeâtre des dents et des ongles (les molécules sont des pigments violet-rouge), une nécrose de la gencive faisant anormalement ressortir les dents, une croissance rapide des cheveux… Bref de quoi rappeler les descriptions légendaires des vampires. D’autres symptômes sont des douleurs abdominales, des coliques et divers problèmes cérébraux. Ils apparaissent de façon continue ou sous forme de crises aigües (pouvant être mortelle) selon la porphyrie. Ces symptômes dépendent de la protéine touchée et du type de précurseurs qui s’accumulent. Les crises aigües sont déclenchées par des facteurs environnementaux comme certaines molécules, le stress, une infection…
Ce lien entre mythe du vampire et porphyrie est très discuté. Tout d’abord, d’un point de vue purement sceptique, les scientifiques ayant fait le rapprochement entre ces maladies et les mythes des vampires et des loups-garous ont cherché une maladie présentant des symptômes similaires à ceux décrit par les mythes. Vu le nombre de maladies qui ont été décrites par la médecine, il n’est pas étonnant qu’une (ou plusieurs) corresponde aux critères recherchés. Deuxièmement, certains des arguments avancés ne sont pas valides comme la consommation de sang par les malades (qui n’apporte pas de soulagements). Troisièmement, les symptômes correspondent plus au mythe du vampire vu par les auteurs du XIXe siècle qu’au mythe populaire antérieur. Enfin, il s’agit de maladies assez rares d’autant plus les formes érythropoiétiques qui correspondent le plus à la vision que nous avons du vampire. Cela est peu compatible avec le vampire populaire qui était assez fréquent.
Il est possible que certains malades ait été confondus avec des vampires, il est également possible qu’un auteur du XIXe ait eu connaissance de la maladie et ait les intégré à sa vision du vampire. Il est aussi très probable que la maladie et le mythe ne se soient croisés que par cette recherche d’une explication rationnelle du mythe. Il est également important de garder à l’esprit que les malades ne sont en aucun cas des vampires ou de quelconques bêtes curieuses, même si certains s’amusent de la ressemblance de leur pathologie et du mythe.
Pour revenir au film, c’est un de mes films préféré car le côté horrifique n’est pas le plus important, bien que largement présent. C’est la psychologie des personnages qui est au cœur de l’histoire. Nous avons aussi à faire à la version romantique du vampire, l’aristocrate mélancolique qui lutte contre sa nature. C’est un film qui vieilli du coup assez bien.
Les porphyries ne sont pas les seules maladies ayant des symptômes rappelant les caractéristiques des vampires, nous en verrons d’autres dans les prochains articles de la série.
Pour aller plus loin :
La minute de la connaissance sur le sujet
Association Française des Malades Atteints de Porphyries
Le Centre Français des Porphyries
« Did vampires suffer from the disease porphyria — or not? » The Straight Dope.
Cox, A. M. (1995). Porphyria and vampirism: another myth in the making. Postgraduate Medical Journal, 71(841), 643–644.
Note perso
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La note des lecteurs :
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Entretien avec un vampire (Interview with the Vampire), 1994
Réalisé par Neil Jordan
Avec Tom Cruise, Brad Pitt, Stephen Rea…
Film américain
Durée 2h03min
Interdit aux moins de 12 ans
Et la bande annonce en VF
7 thoughts on “Entretien avec un vampire : Oh Louis, tu as une maladie sanguine”